Géographie marcienne

Quelques imprécisions laissent à penser que l’auteur connaît mal certains lieux qu’il met en scène1. La géographie de l’évangile selon MARC semble surtout surdéterminée par sa pensée théologique. Ainsi elle peut être décrite d’une manière synthétique2  comme structurant l’espace selon deux axes majeurs :

 

Le premier axe est l’opposition entre la GALILÉE et JÉRUSALEM. Le drame fonctionne alors selon un double mouvement :

 

  • D’abord un chemin centripète de concentration, allant de la GALILÉE (1, 14-9) à la JUDÉE (10), puis vers JÉRUSALEM (1116), traçant ainsi un chemin linéaire. Dans la partie galiléenne, JÉRUSALEM est toujours citée dans un sens hostile3.
  • Ensuite un chemin centrifuge d’explosion qui désigne la GALILÉE comme le lieu de la rencontre avec le Ressuscité, signe d’une ouverture radicale à l’universalité, celle-là même qui a rendu possible le texte. Comme l’écrit joliment Jean DELORME, la proposition spatiale de l’évangile selon MARC4

« […] inaugure le mouvement qui doit à jamais empêcher l’Évangile de se laisser enfermer dans quelque Jérusalem que ce soit. »

 

Le second axe est l’opposition entre pays où il y a des Juifs et pays où il y a des païens5. Mais cette distinction en cache une autre, plus profonde : là où il y a une religion close6, symbolisée par la position fermée des scribes et des Pharisiens, et là où il y a une parole ouverte, disponible à une prédication en direction des païens. Cet axe est mis en scène d’une manière suggestive par le rythme spatial décrit entre les deux rives du lac. Ceux-ci forment  alors comme les deux lèvres d’une parole divine à la fois universelle et provocatrice7.

 

  1. Par exemple, les critiques remarquent que les itinéraires suivis sur les bords du lac de TIBÉRIADE ne suivent pas les itinéraires romains bien connus; Cf. DELORME/1972/ p. 14. []
  2. Cf. DELORME/1972/ p. 13-15. []
  3. Cf. Mc 3, 22 ; Voir DELORME/1972/ p. 14. []
  4. DELORME/1972/ p. 15. []
  5. Cf. TYR, SIDON, la DÉCAPOLE, CÉSARÉE de PHILIPPE, etc.; DELORME/1972/ p. 14-15. []
  6. nous empruntons ce terme à BERGSON. []
  7. Cf. le double récit du partage des pains : Mc 6, 30-44; 8, 1-10. []